« Ensemble » : un mot, deux définitions
Nicolas Sarkozy a récemment sorti son programme qu’il intitule sobrement "Ensemble". Quel joli mot ? Reste à connaître le sens que lui donne le tout récent ex Ministre de l’Intérieur. J’ai donc regardé son document d’une quinzaine de pages. Car, comme je le disais dans mon billet de hier matin, l’heure est à présent à la comparaison des programmes, des personnalités, des valeurs… Je découvre donc que le président de l'UMP veut "rassembler au-delà de sa famille" ou encore qu’il compte "réconcilier la France du oui et la France du non". Il déclare ainsi : "J'ai cessé de faire de la politique avec cette sorte de jubilation que j'ai si longtemps éprouvée. La gravité a remplacé le plaisir. Le jeune homme épris d'aventure et prêt à tout sacrifier à son ambition que j'étais est devenu un adulte plus apaisé. (…) Je ne me sens plus obligé de tout prouver. J'ai gagné en sérénité, peut-être aussi en sagesse."
Je ne peux néanmoins me satisfaire de ces déclarations et j’ai naturellement éprouvé le besoin de les confronter à la réalité, à ce je regarde et j’entends depuis plusieurs mois. Or, ses déclarations divisent profondément. Les exemples foisonnent. Il oppose systématiquement la "France exaspérée" et les immigrés ou leurs enfants, la "France qui se lève le matin" et les assistés, la "France qui respecte les règles" et celle des "fraudeurs et des voleurs", les "gens bien" et la "racaille". La plus médiatique des sorties est probablement l'injonction "La France tu l'aimes ou tu la quittes". Et puis encore tout récemment, je l’entends dire qu’il est le candidat des « honnêtes gens » en comparaison de Ségolène Royal.
Mon analyse est que Nicolas Sarkozy pratique un rite expiatoire aussi ancien que les sociétés humaines, celui du bouc-émissaire. Notre société a besoin de cohésion, de trouver des consensus pour partager les efforts, réaliser les réformes qui s’imposent, repenser le lien social… Elle n’a pas besoin d’un discours qui désigne en permanence les individus contre lesquels la communauté nationale peut s'unir : immigrés, jeunes (de banlieue de préférence), précaires...
En face, vous avez une candidate socialiste à qui il a été demandé à plusieurs reprises (notamment Jean-Pierre Elkabbach sur Europe 1) de se prononcer contre son "ennemi politique". Et je dois dire que la réponse de Ségolène Royal me convient tout à fait et illustre bien la hauteur qu’elle insuffle à ce débat : "Un adversaire politique n'est pas un ennemi, c'est un partenaire du débat démocratique (…) Mes ennemis, c'est le chômage, la précarité, les injustices, l'échec scolaire, (la situation des) travailleurs pauvres, la faiblesse de l'Europe, les délocalisations".
Et lorsque les journalistes reviennent depuis plusieurs jours sur les événements graves qui se sont déroulés Gare du Nord. Là-aussi, en écho à un Nicolas Sarkozy qui entame toujours le même refrain du tout répressif, sans prendre le temps d’analyser véritablement la situation. Ségolène offre une analyse qui n’oppose pas entre eux les français, qui ne nie pas le besoin de sécurité mais qui pour autant ouvre les perspectives : "Le délitement du lien social est d’abord la conséquence d'une politique qui a été mise en place. La police de proximité a été supprimée par l'ancien ministre de l'Intérieur actuellement candidat et les moyens donnés aux associations de quartier ont été supprimés massivement".